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Le mont Blanc depuis 1786

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Le Mont Blanc depuis 1786 - Compagnie des guides de Chamonix
Contenu section haute et résumé

Du haut de ses 4810 mètres, le Mont Blanc est incontestablement la montagne phare du massif mais également de la naissance de l’alpinisme. Son sommet sera désiré, envié, et tenté plusieurs fois avant d’être conquis. Aujourd’hui encore, il continue d’émerveiller et de rayonner. Son histoire a marqué la Compagnie des Guides de Chamonix, et l’a en quelque sorte façonné. Les étapes marquantes de la conquête du Mont-Blanc et de ses péripéties sont disponibles sur notre page Instagram « 200 ans ».

Tout commence en 1760. Une récompense est promise par de Saussure, scientifique Genevois, pour celui qui atteindra la cime. Plusieurs reconnaissances infructueuses ont été menées. On attribue la première tentative sérieuse à François et Michel Paccard, Victor Tissai et J-N Couteran le 3 juillet 1775 : ils gravissent la montagne de la Côte, franchissent une zone de crevasses difficiles et prennent pied sur le glacier. La suite semble aisée malgré la longueur de l’itinéraire. Mais finir « à la journée » semble impossible. À cette époque, nul n'ose passer la nuit en montagne. Ils font alors demi-tour.

En 1783, Marie Couttet, Joseph Carrier et JB Lombard suivent le même itinéraire après une nuit passée en haut de la montagne de la côte. Bien qu'assez haut, le plus hardi et le plus robuste des trois est pris par une envie de dormir absolument insurmontable. Les deux autres ne veulent pas le laisser, persuadés qu'il allait mourir d'un coup de soleil. Ils attendent son réveil et ensemble, ils redescendent. L'itinéraire, connu aujourd'hui sous le nom d'itinéraire historique ou des Grands Mulets, est en partie découvert. Et si les difficultés techniques ne semblent pas insurmontables, un obstacle invisible semble défendre la cime.

Face Nord du Mont Blanc

Photo Eric Courcier (membre de la Cie), de bas en haut : Montagne de la Côte, Rochers des Grands Mulets, face nord du mont Blanc.

En 1784, Marie Couttet et François Cuidet atteignent la base de l'arête des Bosses en passant par l'aiguille du Goûter. Ils sont embauchés par Marc Théodore Bourrit, qui rêve de la cime mais qui ne peut les suivre si haut. L'année d'après, Bourrit et De Saussure s'unissent pour refaire une tentative par cet itinéraire avec l'aide de 17 guides mais les conditions sont mauvaises.

Col de Voza

Photo prise par les frères Jullien prise du Col de Voza à la fin du 19ème siècle. La construction du tramway du Nid d'Aigle commencera en 1906 (musée Alpin - Chamonix)

Le 29 juin 1786, deux groupes de guides se retrouvent au sommet du dôme du Goûter. L'un est passé par la Montagne de la Côte (Jean-Michel Cachat, Francois Paccard, Marie Couttet et Jacques Balmat), l'autre par l'aiguille du Goûter (Pierre Balmat et Jean-Marie Couttet). Ils montent jusqu'au pied de l'arête des Bosses et s'y attaquent mais celle-ci leur semble trop étroite. Après avoir examiné différentes options et l'orage arrivant, ils redescendent, tous sauf un, Jacques Balmat.

Ultimes Lueurs

Ultimes Lueurs, 1992, Lionel WIBAULT.

Lionel Wibault, en plus d'être artiste-peintre, est également guide de haute montagne. Et membre de la Compagnie des Guides depuis 1971. Né en 1947 à Chamonix, il se consacre d'abord au ski de compétition. Puis très vite au métier de guide et à la peinture. Montagnard passionné comme à ses débuts, il guide encore régulièrement ses plus fidèles clients. Son autre grande passion après la montagne, la peinture lui a été transmise par son père et artiste-peintre Marcel Wibault. Lionel a commencé il y a plusieurs années une série de 100 oeuvres représentant le mont Blanc. Actuellement il en est à la 77ème. Représenté ici le numéro 005.

Balmat est allé seul jusqu’au Dôme du Goûter en 1786. Pris par le mauvais temps et la nuit, il passe la nuit au-milieu des glaces. Le mont Blanc est toujours vierge, mais désormais Balmat a la certitude qu'un passage est possible. Epuisé, il redescend après deux nuits sans dormir dont un bivouac sur le glacier, à une époque où on pensait qu'une nuit à ces hauteurs engendrait un sommeil mortel.

Jacques Balmat

« Témérité, volonté et passion ». C'est ce que représente Jacques Balmat. Musée Alpin - Chamonix. Estampe de 1854, publiée dans le premier tome de l'ouvrage dirigé par Joseph Dessaix : "La Savoie historique, pittoresque, statistique et biographique ".

Le 7 aout, soit un mois et demi plus tard, Jacques Balmat et le docteur Michel Paccard vont tenter une nouvelle fois l’ascension. Ils se donnent rendez-vous discrètement en fin d'après-midi et se mettent en route pour monter bivouaquer en haut de la montagne de la Côte, dans un lieu connu aujourd'hui sous le nom de « Gite à Balmat ». Ils partent à 4h15 du matin et grimpent toute la journée, les conditions sont difficiles, ils s’enfoncent dans la neige. Malgré tout, ils continuent et font preuve d’une grande témérité. A 18h23, enfin, ils arrivent au sommet. Depuis la vallée, un groupe de voyageurs les observent à la longue vue. La première du mont Blanc a été réalisée. La montagne est gravie par deux « enfants du pays ». Un paysan et un bourgeois, un guide et un amateur passionné. Ils redescendent la vallée sans tambours ni trompettes.

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Michel PACCARD 1757-1827

Le Docteur Michel Gabriel Paccard naît en 1757 à Chamonix. Il fait ses études à Turin et Paris et devient médecin. Passionné de sciences naturelles et de montagne, il revient s'installer à Chamonix. Son attachement à sa terre natale est plus fort que les lumières de la ville. Et très vite, il se lance dans la course pour la première du mont Blanc. Ses motivations sont profondes et gratuites. Il espère bien sûr être le premier à réaliser des mesures au sommet (ce qu'il fera) mais il n'en tirera aucune gloire. Il cèdera la totalité de la récompense à Balmat.

Lorsqu'il fit avec Jacques Balmat la première ascension du mont Blanc, il ne se doutait pas que des flots d'encre couleraient à son sujet. Mais très vite, Marc-Théodore Bourrit, un des prétendants au mont Blanc dresse Balmat contre Paccard. L'affaire prend vite des proportions désastreuses auxquelles le comportement de Balmat participera. Balmat est présenté comme le guide qui a tout fait et Paccard comme un client qu'il a fallu porter. Rien n'est plus faux. Paccard fait établir une déclaration certifiée dès le 10 août mais qui ne change rien. Dès lors Paccard garde le silence. Il explique « j'aurais pu obtenir des réparations judiciaires...mais on m'a dit qu'il y avait plus de grandeur d'âme en préférant supporter les outrages plutôt que de nuire en les faisant punir, que la vraie gloire et le mérite consistaient à supporter les injures et non à les venger ».

En 1932 à l'occasion d'un congrès international d'alpinisme à @chamonixmontblanc , Paccard sera réhabilité. A cette occasion un médaillon à son effigie est installé à l'entrée de l'hôtel de ville. Et en 1986, année du Bicentenaire de la première ascension du mont Blanc, une statue est érigée en son honneur.

Michel Paccard

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Le 3 août 1787, De Saussure gravira à son tour le Mont Blanc, accompagné d'un domestique et de 18 guides. Un acte fondateur du métier de guide et de l'alpinisme s’est écrit grâce à cet épisode. L'ascension de Saussure a un retentissement mondial. La montagne devient à la mode, on en parle dans les salons. Le nombre de visiteurs dans la vallée ne cessera d'augmenter. (Retrouvez plus de détail de l’ascension de Saussure sur la page @200ansguidesdechamonix)

Saussure et ses guides

Saussure et ses guides. Illustration, Samuel Grundmann début du 19ème siècle @musee_alpin_chamonix

En 1820, une grande caravane de 3 clients (deux anglais, le Docteur Hamel et douze guides) part pour le mont Blanc pour en tenter la douzième ascension. A cause du mauvais temps ils passent une journée complète à attendre aux Grands Mulets. Le lendemain, alors qu'ils montent dans une partie raide, ils déclenchent une avalanche. Si ceux qui étaient en queue de caravane sont faiblement ensevelis et se relèvent vite, il n'en est pas de même pour ceux qui étaient devant. Trois personnes manquent à l’appel, ils ont été entraînés dans une crevasse. Après de vaines recherches par leurs compagnons, ils sont déclarés perdus à jamais.

Un des récits de cet événement, montre que le docteur Hamel insista pour continuer contre l'avis des guides qui sentaient les conditions dangereuses. Ils obéirent au client à contrecoeur, se sentant redevable de leur engagement. Le décès des trois guides causa un grand émoi dans la vallée. Des collectes sont organisés et le roi de Sardaigne averti, fait remettre des pensions aux familles en deuil.

L’accident de de la caravane Hamel met en avant les questions essentielles de responsabilité et de prise de décision pour les personnes s’aventurant en montagne. Il est temps pour les guides de se structurer et d'éditer les règles de fonctionnement d'une activité naissante. Une activité nouvelle, celle de guide de haute montagne, qui va se développer avec l'évolution de l'alpinisme. Et qui continue aujourd'hui encore d'évoluer.

En 1821 et 1823, les autorités qui prennent également les choses en main, valident la création de la Compagnie des Guides et éditent le 1er règlement. Les premières grandes figures émergent, l'ascension du mont Blanc reste encore une rareté et un exploit. S'en suivra une période d'explorations très active où l'essentiel des sommets de l'arc alpin seront gravis. Désormais, ce n’est plus la science qui pousse l’alpiniste à s’élever, mais la curiosité et la passion.